mardi 16 décembre 2008

Vive le coton BT

Après un passage a Pondichery et à Auroville, nous quittons le sud de l'Inde doucement. Nous faisons une étape à Chennai. La mousson, qui arrive avec 3 semaines de retard (ah ce réchauffement climatique !), y est impressionnante. Les rues sont totalement innondées, les rickshaws galèrent pour se déplacer. Nous aussi d'ailleurs. Impossible de faire 100 m sans être trempés. Nous nous résignons et acceptons que les 2 jours à Chennai se feront sous les signes de la pluie et du mouillé. Puis c'est le Tamil Nadu que nous quittons en prenant un train pour rejoindre la capitale de l'Andra Pradesh, Hyderabad.
Adieu Tamil Nadu, mousson, 32 degrés, noix de cajou et moustiques. Laissons place au climat continental, à notre grand bonheur, plus sec et plus frais.
Notre objectif est très précis : retrouver, Amandine, une amie à nous de l'ENSAT qui fait un stage dans un énorme centre scientifique, ICRISAT. Elle y fait une étude sur le coton transgénique BT et l'utilisation des pesticides. Nous avons pensé que ca pourrait être une étape intéressante pour notre travail.

Ce que nous ne savions pas en quittant le Tamil Nadu et en allant à ICRISAT, c'est qu'on quittait aussi l'Inde. En effet, ce centre ressemble plus à un campus américain qu'à l'ambiance des rues indiennes. Le site est énorme avec beaucoup, beaucoup (trop) d'espace.

Tout est fliqué, interdiction de faire des photos dans le campus, fouille à l'entrée. Tout est payant et surtout tout est cher. Nous avons l'obligation de prendre deux chambres à 500 rps chacune (8 euros environ). Que nenni ! Tout cela ne nous convient pas tellement, nous qui nous sommes habitués à des logements à 3 euros la nuit pour deux. Heureusement, grâce à notre tchatche incommensurable, on a fini par être acceptés gratuitement comme invités dans deux appartements d'amis d'Amandine. Nous aurons même droit ensuite à un chauffeur et un traducteur à disposition pour nos interviews sur le terrain.

Notre arrivée à ICRISAT s'est faite un jour pas comme les autres. En effet, la date du 26/11/08 résonnera à présent dans la tête de tous les indiens. C'est quelques heures après notre arrivée que nous apprenons les faits tragiques : "5 bombes ont explosé à Mumbai, il y a au moins une centaine de morts. La gare, des restaurants, des hôpitaux et deux hôtels de luxe ont été attaqués, des touristes auraient été tués"...

Depuis ce jour là , il n'y a pas eu un jour sans entendre parler de ces attentats, du terrorisme en Inde et du Pakistan ! Malgré l'horreur des faits, cet évènement aura eu l'avantage de faire renaître un débat sur la relation entre l'Inde et le Pakistan. Elle nous aura permis à nous, de mieux comprendre leurs histoires et de découvrir le racisme et la haine qui pouvait encore exister entre ces deux nations depuis la partition. Nous avons participé à de nombreux débats sur les represailles attendues. Faut-il oui ou non déclarer la guerre au Pakistan ?... Mais tout cela est un autre débat....

Revenons à l'ICRISAT. Dès le 1er jour, nous nous attelons à notre travail. Nous partons dans le village modèle du centre, Kothapally. Notre première interview est celle d'un agriculteur de coton. Il fait du coton transgénique depuis 4 ans, du "Coton BT", ou encore appelé Coton Monsanto (ce nom dira peut etre quelque chose a quelques uns d'entre vous...). D'ailleurs il n'est pas le seul, tout le monde dans la région fait des OGM. Il en vante les mérites. Depuis le coton BT, il utilise moins de pesticides. Avant, il avait des allergies graves à cause des produits chimiques, maintenant comme il épand moins de pesticides, tout va mieux. Cette nouvelle graine est pour lui complètement magique et comme en magie, il n'a pas la moindre idée de comment expliquer comment ça marche. Il ne sait pas ce qu'est un OGM. Il nous dit, par contre, qu'il sait que ca n'a pas d'impact sur la santé humaine et sur l'environnement... ah bon ?

Le traducteur nous expliquera par la suite que s'il ne pleut pas assez, comme cette année, les rendements sont très mauvais avec le BT, pire qu'avec une graine classique. Il nous avouera également que les insectes de la région commence à développer une résistance au BT et que cette graine transgénique n'est maintenant plus assez efficace. On leur a promis une nouvelle graine plus résistante... et les paysans, désormais tous dependants de cette nouvelle technologie, y mettront tous leurs espoirs. N'ont-ils vraiment pas compris que le schéma sera toujours le même ? Une fois qu'on mettera un nouveau gène dans ces graines, les insectes se selectionneront naturellement et il faudra en trouver une autre encore plus résistante. Malheureusement, le manque d'éducation et la pauvreté poussent presque toujours les paysans à penser à très court terme. Jusqu'où iront-ils ? Jusqu'où iront les grosses firmes comme celle de Monsanto, qui elles savent tout cela, pour se faire du pognon ?

Bref, la conclusion que nous avons tiré d'une telle interview, comme de beaucoup d'autres, c'est qu'il y a un manque de connaissances évident, que les petits paysans très peu éduqués ont bon dos pour que les grosses firmes fassent leurs experiences et se fassent des bénéfices. Bien sur les rendements actuels sont meilleurs, bien sur ils utilisent moins de pesticides, mais pour combien de temps ? Les OGM ne sont pas une solution durable, surtout quand ils sont aussi mal maîtrisés.

La deuxième rencontre que nous avons faite a été avec le leader du village. Nous n'avons pas parlé OGM cette fois. Le débat s'est plutôt orienté sur la place de l'agriculture en Inde. Celui ci nous a très bien expliqué qu'à l'inverse de la France, le métier d'agriculteur est très bien vu en Inde. "L'agriculteur, c'est le roi". Même s'il est mal payé, même si son travail est manuel et non intellectuel, le paysan a une très bonne réputation. Les indiens des villes se souviennent encore que c'est grâce à eux qu'ils vivent. En Inde, l'exode rurale est plus récente qu'en France. Tout le monde a dans sa famille un agriculteur et sait a qu'elle point c'est dur et beau de nourrir les gens.

Après encore quelques rencontres, nous sommes montés dans notre carosse, qui nous a ramenés tranquille-émile à la maison pour l'heure du thé. Le plus gros du travail étant fait, nous avons profité des jours suivants pour visiter Hyderabad, une des villes les plus musulmanes d'Inde. Il nous faudra une heure et demie pour atteindre le centre ville. Hyderabad est assez étouffant, des voitures et des voitures et des gens et des gens, partout. Deux heures en ville sont suffisantes à achever quelqu'un. L'ambiance en est, cependant, très mouvementée et rigolote. Quelques endroits d'Hyderabad sont très jolis, comme le fameux monument, Charminar, dans le quartier musulman, entouré de bazars.

Dès le lundi soir, nous sommes repartis pour une journée et deux nuits ininterrompues de train pour rejoindre le Bihar (au nord-est). C'est triste de laisser notre amie Amandine dans sa petite chambre perdue au milieu de ce grand centre international, mais en même temps c'est agréable de retrouver l'agitation de l'Inde.

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