mardi 16 décembre 2008

Morena, we'll be back !

Nous venons de passer quatre jours à Morena, dans la petite maison de Ramu Parihar et sa famille (Bertrand y avait passé dix jours l'année dernière). L'accueil fut assez incroyable. Ramu et son meilleur ami, Sonu, nous ont attrapés à la gare ou plutôt nous ont sauté dessus et nous ont couverts de colliers de fleurs. Leur voisin qui était aussi présent pour voir l’arrivée des deux blancs, n'a d'ailleurs pas osé passer son collier autour du cou de Sophie (la relation envers les filles est ici très différente). Un peu complètement surpris, nous ne réalisons pas encore que ce n'est que le début d'une longue période de chaleur et de cadeaux...


Devant la gare, une voiture est là, elle nous attend depuis 1h (les trains indiens sont toujours en retard !). Sous le regard ébahi d'une centaine d'indiens, nous montons à bord du véhicule.
A notre arrivée, un chai (thé indien) est déjà prêt, mais a une différence près, c'est qu'il a été préparé avec le lait de leur vache ou plutôt de leur buffalo. Dans cette petite ville, ou du moins dans notre rue, presque toutes les maisons ont
une vache.


Le premier soir, on a établi le programme avec le papa et Ramu, puis nous sommes allés manger. Nous sommes déjà invités par un voisin, mais la famille de Ramu veut aussi nous préparer notre premier repas de bienvenue. Nous ferons donc deux repas. Ravin, le voisin et ami de Ramu, est un jeune de 24 ans très riche. Il nous emmène dans l'hôtel "chic" de Morena pour faire quelque chose d’extraordinaire pour les jeunes du coin : boire de l'alcool. Bien sûr, pour faire les 500 mètres qui nous séparent de l'hôtel, nous prenons la voiture, c'est plus classe. On commande deux petits plats pour tout le monde et un peu de vin. Le vin indien est en fait du whisky. Il est imbuvable, mais c'est tellement gentil qu'on boit quand même. Au même moment dans le restaurant, le fils du chef des policiers du coin (environ 14 ans), fête son anniversaire. Que des garçons évidemment. D'abord un, puis deux, puis tous viennent nous demander un autographe. Un peu surpris, c'est finalement avec plaisir que nous jouons nos stars. Le vrai défi étant d'arriver à écrire sans faute le nom de ces indiens. On a même eu l'honneur d'être filmés.

Le ventre absolument plein, nous sommes rentrés pour notre deuxième repas. En tant que bon français nous nous attendions a une table dressée avec toute la famille déjà assise à nous attendre... et bien non, non, non ! On nous a conviés à nous asseoir au bureau de la chambre où on nous a servi nos plats. Oui, en Inde, les invités sont considérés comme des dieux, ils mangent avant tout le monde. Même notre ami Ramu nous a regardés manger. C'est le ventre explosé que nous nous sommes finalement couchés.

Dès le lendemain, nous avons loué une voiture pour rencontrer des agriculteurs. Dans cette région, le Madhya Pradesh, les terres sont principalement accaparées par de grands propriétaires fonciers (parfois 50 acres). Il y a donc en conséquence aussi beaucoup de paysans sans-terre.

Les conditions agricoles sont sensiblement identiques au Bihar. La aussi, la foret a été presque entièrement coupée. L'érosion y est peut-être encore plus impressionnante. Quoiqu'il en soit, à conditions similaires, nous avons trouvé des résultats similaires à ceux de Bankey Bazar. Nous avons donc decidé de pousser la question sur le lien spirituel religieux à la terre. Nous voulions savoir, si ils ne respectent pas leur terre qu’ils vénèrent tant, est-ce que les dieux peuvent se fâcher.

Nous avons rencontré un paysan sans-terre de la sous-caste des Dalits, pour qui la terre, qu'il ne possède pas, relève d'une importance toute particulière, en conséquence, il nous a garanti : "Si un jour on me donne de la terre, c'est sûr, j'en prendrais vraiment soin !". Pourtant, lui aussi, nous a avoué vouloir utiliser des engrais chimiques si on lui donnait des terres.
Tous les paysans que nous avons rencontres, grands comme petits, nous ont dit qu'ils considéraient la terre comme leur mère. Ils savent également tous que les produits chimiques tuent cette terre. Lorsqu'on les met face à cette réalité et surtout face au jugement des dieux, ils nous répondent qu'ils aimeraient bien nourrir leur terre-mere en y appliquant uniquement des engrais "bio", mais eux aussi doivent manger. Alors tant pis si les dieux sont fâchés, ils disent ne pas avoir le choix.


Même nous qui sommes de fervents défenseurs de l'agriculture bio, il faut bien avouer que dans certains cas, les engrais chimiques sont absolument nécessaires pour nourrir des gens à court terme, même si à long terme des problèmes de sous production, de pollution, d'érosion... deviendront de plus en plus graves.

Par contre, cette excuse nous a semblé parfois un peu limitée quand le paysan en face de nous était un grand propriétaire. Il a largement assez de nourriture pour bien manger et ça ne dépend que de sa propre volonté que de réaliser une agriculture plus « raisonnée ». Peut-être que les dieux seront moins cléments envers lui ?
Certains nous avoueront même que les dieux sont déjà fâchés puisque certaines familles ont des maladies à cause des pesticides...


De retour à Morena, nous avons continué nos visites. D'abord le responsable gouvernemental de la gestion des pesticides, mais ce fut peine perdue. La langue de bois n'est pas réservée qu’à nos politiciens !

Nous avons également visité une usine de production de moutarde. Ce fut, cette fois-ci, bouleversant. Les deux frères qui gèrent l'entreprise sont richissimes. Ils emploient une petite armée de pauvres contraints d'accepter n'importe quel boulot (il y a plus de 10% de chômage en Inde). On a pu demander à l'un d'entre eux quelles sont ses conditions de travail. A cause des vapeurs de moutarde, tous les soirs ils ont les yeux qui les piquent et en deviennent malades (nous sommes allés a l'intérieur de la pièce où on presse les grains de moutarde et ben nous pouvons garantir que l'expression "j'ai la moutarde qui monte au nez" est trop faible, ça monte jusqu'aux yeux !) et tout ça pour 12h et 100 roupies par jour (1 euro 70 à peu près). Peut-être encore plus grave, les deux usines qui se sont installées à Morena ont détruit toutes les petites fabriques artisanales qui faisaient vivre des milliers de familles. Leur huile était d'ailleurs de bien meilleure qualité d'après Ramu. Bref, tout ça encore une fois pour enrichir seulement 5-6 personnes au dépend de milliers d'autres...

Pendant les deux derniers jours, nous avons profité pleinement de nos amis indiens. Sophie s'est encore fait de nouvelles copines qui se sont amusées à l'habiller un peu comme une poupée barbie. D'abord en saree, puis en kurta et enfin, le clou du spectacle avec la robe de mariage de la femme du frère de Ramu. Le dernier déguisement a été mis en secret. Ramu et son père ne devaient surtout pas être au courant. Peut-être que le fils aîné de la famille aurait très mal pris de voir quelqu'un d'autre porter la robe de mariage de sa femme ? Ou alors peut-être que ce genre de distraction nuit a l'honneur de la famille ? Les femmes de la maison nous ont paru très brimées. Même lorsque nous nous amusions à faire des rotis (crêpes de pain) avec elles, il ne fallait pas que les hommes soient au courant.



Autre tradition très étrange, par respect pour son mari, une femme mariée ne doit pas montrer son visage a un homme plus âgé que son mari. La belle-fille mettait donc son saree comme un voile en présence du père.
Autre chose originale : nous avons un peu honte de le dire, nous qui parlons de "retour à la terre" et qui dénonçons la rupture des villes avec la nature... mais nous avons trait notre première vache, qui est d'ailleurs un buffle.

Enfin, nous avons profité de ces moments pour essayer le sport national, le criquet. Dur dur dur...


Vraiment, merci encore Ramu, papa, maman, frère, soeur, de Ramu, nous n'oublierons pas votre accueil.


Morena, we will be back !

Vive le coton BT

Après un passage a Pondichery et à Auroville, nous quittons le sud de l'Inde doucement. Nous faisons une étape à Chennai. La mousson, qui arrive avec 3 semaines de retard (ah ce réchauffement climatique !), y est impressionnante. Les rues sont totalement innondées, les rickshaws galèrent pour se déplacer. Nous aussi d'ailleurs. Impossible de faire 100 m sans être trempés. Nous nous résignons et acceptons que les 2 jours à Chennai se feront sous les signes de la pluie et du mouillé. Puis c'est le Tamil Nadu que nous quittons en prenant un train pour rejoindre la capitale de l'Andra Pradesh, Hyderabad.
Adieu Tamil Nadu, mousson, 32 degrés, noix de cajou et moustiques. Laissons place au climat continental, à notre grand bonheur, plus sec et plus frais.
Notre objectif est très précis : retrouver, Amandine, une amie à nous de l'ENSAT qui fait un stage dans un énorme centre scientifique, ICRISAT. Elle y fait une étude sur le coton transgénique BT et l'utilisation des pesticides. Nous avons pensé que ca pourrait être une étape intéressante pour notre travail.

Ce que nous ne savions pas en quittant le Tamil Nadu et en allant à ICRISAT, c'est qu'on quittait aussi l'Inde. En effet, ce centre ressemble plus à un campus américain qu'à l'ambiance des rues indiennes. Le site est énorme avec beaucoup, beaucoup (trop) d'espace.

Tout est fliqué, interdiction de faire des photos dans le campus, fouille à l'entrée. Tout est payant et surtout tout est cher. Nous avons l'obligation de prendre deux chambres à 500 rps chacune (8 euros environ). Que nenni ! Tout cela ne nous convient pas tellement, nous qui nous sommes habitués à des logements à 3 euros la nuit pour deux. Heureusement, grâce à notre tchatche incommensurable, on a fini par être acceptés gratuitement comme invités dans deux appartements d'amis d'Amandine. Nous aurons même droit ensuite à un chauffeur et un traducteur à disposition pour nos interviews sur le terrain.

Notre arrivée à ICRISAT s'est faite un jour pas comme les autres. En effet, la date du 26/11/08 résonnera à présent dans la tête de tous les indiens. C'est quelques heures après notre arrivée que nous apprenons les faits tragiques : "5 bombes ont explosé à Mumbai, il y a au moins une centaine de morts. La gare, des restaurants, des hôpitaux et deux hôtels de luxe ont été attaqués, des touristes auraient été tués"...

Depuis ce jour là , il n'y a pas eu un jour sans entendre parler de ces attentats, du terrorisme en Inde et du Pakistan ! Malgré l'horreur des faits, cet évènement aura eu l'avantage de faire renaître un débat sur la relation entre l'Inde et le Pakistan. Elle nous aura permis à nous, de mieux comprendre leurs histoires et de découvrir le racisme et la haine qui pouvait encore exister entre ces deux nations depuis la partition. Nous avons participé à de nombreux débats sur les represailles attendues. Faut-il oui ou non déclarer la guerre au Pakistan ?... Mais tout cela est un autre débat....

Revenons à l'ICRISAT. Dès le 1er jour, nous nous attelons à notre travail. Nous partons dans le village modèle du centre, Kothapally. Notre première interview est celle d'un agriculteur de coton. Il fait du coton transgénique depuis 4 ans, du "Coton BT", ou encore appelé Coton Monsanto (ce nom dira peut etre quelque chose a quelques uns d'entre vous...). D'ailleurs il n'est pas le seul, tout le monde dans la région fait des OGM. Il en vante les mérites. Depuis le coton BT, il utilise moins de pesticides. Avant, il avait des allergies graves à cause des produits chimiques, maintenant comme il épand moins de pesticides, tout va mieux. Cette nouvelle graine est pour lui complètement magique et comme en magie, il n'a pas la moindre idée de comment expliquer comment ça marche. Il ne sait pas ce qu'est un OGM. Il nous dit, par contre, qu'il sait que ca n'a pas d'impact sur la santé humaine et sur l'environnement... ah bon ?

Le traducteur nous expliquera par la suite que s'il ne pleut pas assez, comme cette année, les rendements sont très mauvais avec le BT, pire qu'avec une graine classique. Il nous avouera également que les insectes de la région commence à développer une résistance au BT et que cette graine transgénique n'est maintenant plus assez efficace. On leur a promis une nouvelle graine plus résistante... et les paysans, désormais tous dependants de cette nouvelle technologie, y mettront tous leurs espoirs. N'ont-ils vraiment pas compris que le schéma sera toujours le même ? Une fois qu'on mettera un nouveau gène dans ces graines, les insectes se selectionneront naturellement et il faudra en trouver une autre encore plus résistante. Malheureusement, le manque d'éducation et la pauvreté poussent presque toujours les paysans à penser à très court terme. Jusqu'où iront-ils ? Jusqu'où iront les grosses firmes comme celle de Monsanto, qui elles savent tout cela, pour se faire du pognon ?

Bref, la conclusion que nous avons tiré d'une telle interview, comme de beaucoup d'autres, c'est qu'il y a un manque de connaissances évident, que les petits paysans très peu éduqués ont bon dos pour que les grosses firmes fassent leurs experiences et se fassent des bénéfices. Bien sur les rendements actuels sont meilleurs, bien sur ils utilisent moins de pesticides, mais pour combien de temps ? Les OGM ne sont pas une solution durable, surtout quand ils sont aussi mal maîtrisés.

La deuxième rencontre que nous avons faite a été avec le leader du village. Nous n'avons pas parlé OGM cette fois. Le débat s'est plutôt orienté sur la place de l'agriculture en Inde. Celui ci nous a très bien expliqué qu'à l'inverse de la France, le métier d'agriculteur est très bien vu en Inde. "L'agriculteur, c'est le roi". Même s'il est mal payé, même si son travail est manuel et non intellectuel, le paysan a une très bonne réputation. Les indiens des villes se souviennent encore que c'est grâce à eux qu'ils vivent. En Inde, l'exode rurale est plus récente qu'en France. Tout le monde a dans sa famille un agriculteur et sait a qu'elle point c'est dur et beau de nourrir les gens.

Après encore quelques rencontres, nous sommes montés dans notre carosse, qui nous a ramenés tranquille-émile à la maison pour l'heure du thé. Le plus gros du travail étant fait, nous avons profité des jours suivants pour visiter Hyderabad, une des villes les plus musulmanes d'Inde. Il nous faudra une heure et demie pour atteindre le centre ville. Hyderabad est assez étouffant, des voitures et des voitures et des gens et des gens, partout. Deux heures en ville sont suffisantes à achever quelqu'un. L'ambiance en est, cependant, très mouvementée et rigolote. Quelques endroits d'Hyderabad sont très jolis, comme le fameux monument, Charminar, dans le quartier musulman, entouré de bazars.

Dès le lundi soir, nous sommes repartis pour une journée et deux nuits ininterrompues de train pour rejoindre le Bihar (au nord-est). C'est triste de laisser notre amie Amandine dans sa petite chambre perdue au milieu de ce grand centre international, mais en même temps c'est agréable de retrouver l'agitation de l'Inde.

Bankey le gros Bazar

Le temple du soleil, celui de Vishnu et celui de sa femme protègent la petite ville de Bankey Bazar (2000 hab). Située à quelques dizaines de kilomètres de Gaya et 250 de Varanassi, capitale religieuse de l'Inde hindouiste, cette petite ville n'en est pas moins musulmane. Son autre particularité est d'acceuillir un centre d'Ekta Parishad, association paysanne dont le but est d'unir les pauvres des campagnes (dont la plupart sont paysans) sous une même bannière et de porter leurs revendications à l'échelle nationale. Longtemps, cette population, pourtant majoritaire, n'a pu se défendre à cause de son isolement, de sa pauvreté et de son analphabétisme. Aujourd'hui, l'espoir renait peu a peu.

Ici, a Bankey Bazar, la terre est un enjeu majeur. C'est en effet une ressource qui se fait de plus en plus rare quand la population est de plus en plus nombreuse. A chaque génération, on distribue toujours moins de terre. Aujourd'hui, beaucoup de familles doivent se contenter d'un acre (0.40 hectare) alors que d'autres possèdent jusqu'à 10 hectares ou (25 acres) et que le gouvernement ou les temples possèdent la majorité des terres qu'ils laissent à l'abandon.

Face à cela, certains pauvres soutiennent Ekta Parishad et leurs actions, mais d'autres ont pris les armes et ont rejoint l'armée des Naxalites. Il y a 10 ans, lorsque ce mouvement rebel s'est formé, ces robins des bois des temps modernes volaient les riches (pillages, enlèvements, occupations de terres...) pour donner aux pauvres. Ils attaquaient également les postes de police locaux et assassinaient même parfois les officiers qui soutenait la cause des grands propriétaires à coup de liasses de billets passées sous la table. Aujourd'hui, les actions sont toujours les mêmes, mais la part redistribuée aux pauvres a tendance à diminuer lorsqu'elle passe entre les mains de leaders rebelles peu scrupuleux. Si un jour vous croisez en Inde un sans-terre bien habillé, méfiez-vous, il pourrait vous enlever pour réclamer une rançon !

D'autres comme Ekta Parishad ont choisi la voie de la non-violence. Leurs objectifs sont les mêmes, mais leurs moyens d'actions s'appuient sur la désobéissance civile. Pour récupérer des terres, ils s'organisent en groupe de 100 a 200 personnes et commencent à cultiver les terres inexploitées des temples ou de l'office gouvernemental des forêts. Lorsque la police arrive, ils revendiquent ces terres pour ceux qui en ont besoin et qui la travaillent comme ils sont en train de le faire. La police arrête généralement une demi-douzaine de personnes, mais devant l'innébranlable motivation de ces sans-terres, le gouvernement renonce dans tous les cas et donne ses terres. Depuis 2001, début de la présence d'Ekta Parishad à Bankey Bazar, plus de 150 familles se sont vues distribuer environs 2 acres chacune. C'est un bel exemple pour ceux qui seraient tentés de prendre les armes.

En ce qui nous concerne, nous sommes venus ici rencontrer les peuples autochtones de cette région pauvre et encore relativement isolée de l'Inde (l'abscence d'électricité, de routes en bon état retarde la vague de modernisme qui traverse l'Inde actuellement). Nous pensions donc trouver des peuples pas encore atteints par la fièvre de la science et de la consommation et donc avec des pratiques agricoles encore traditionnelles. Malheureusement, les adivasis (litteralement "premier peuple") ou les dalits (basse caste) ont très souvent été chassés de la terre de leurs ancêtres. Ceux que nous avons rencontrés étaient bien souvent des sans-terres ou ne possèdaient qu'un ou deux acres. Privés de terre, leur lien à la terre est d'autant plus fort. Moins on a de terre, plus celle-ci devient importante. Pourtant, contrairement à ce qu'on pourrait attendre, ils utilisent dans leurs champs pesticides et engrais chimiques. Dans le Bihar, manger est un enjeu de tous les jours, or sans fertilisant, le sol est si pauvre que leurs petits bouts de terre ne suffiraient pas à nourrir leur famille. Il faut comprendre que cette région a été entièrement métamorphosée après la révolution verte. A cette époque, vers 1985, on a voulu moderniser l'agriculture. On a donc déforesté pour agrandir les parcelles. Aujourd' hui, le paysage ressemble à un immense désert. Sans arbres, l'eau n'est plus retenue dans le sol et ruisselle vers la mer. La terre est craquelée, dure et très pauvre, on a vraiment l'impression qu'elle est morte. En plus de cela, lors de la saison des pluies, les enormes précipitations emportent tout ce sol comme des feuilles mortes. On voit parfois dans le paysage des formes impressionnantes que l'érosion a dessinées au fil des moussons. Pendant la saison sèche, c'est le vent qui emporte le sol dans un immense nuage de poussière. Pendant notre court sejour, nous n'avons jamais vu de ciel bleu. Mais le plus dur dans cette histoire, c'est que les sols sont devenus si pauvres qu'il est devenu impossible de faire pousser quelque chose sans engrais chimiques.

Dans une situation avec un sol si pauvre comme a Bankey Bazar, les conditions naturelles imposent (presque) aux agriculteurs le mode de culture qu'ils utilisent.

Ce petit passage par le Bihar nous a permis de voir de près la pauvreté dont on entend parler à la télé. Ce qui nous a un peu perturbés, c'est de ne pas être tellement perturbés justement, face à de telles conditions de vie. Les gens sont malheureux, mais ils n'en ont pas l'air. On a vu des enfants aux membres déformés à cause de contaminations dans l'eau, et comme si on était blasé, ou comme si on avait déjà trop conscience de ces difficultés, on a pas été plus mal que ca. On se demande si c'est pas une réaction naturelle aussi, une façon de se protéger face à toutes ces images trop dures finalement. Il existe peut-être naturellement une barrière qui nous protège, car en réalité on est incapable de supporter de voir des gens aussi mal. Des gens qui en même temps ont un regard fort et intense, un regard dur et déterminé qui montre qu'ils n'ont plus peur de rien et qu'ils sont fiers de vivre ici. Les plus impressionnantes, c'était sans doute les femmes. Elles ont décidé de se prendre en main et ont crée des groupes de discussion. Ensemble, elles décident de ce qui est bien pour elles et leurs enfants. Elles font des emprunts groupés aux banques, pour investir ensemble dans leur agriculture, parce qu'elles veulent, elles aussi, faire partie du monde qui les entoure et essayer d'avancer.

lundi 15 décembre 2008

Fiche 3

- En Inde, tous les hindous portent des leur naissance une corde autour des hanches, sensee repousser les mauvais esprits. Ils gardent la meme toute la vie, quand ils grandissent ils rajoutent juste un bout de corde
- En Inde, ils affichent le nom et la place attribuee a l'entree du train
- Pondichery est une ville detaxee
- Les indiens dansent au cinema quand il y a de la musique
- Les femmes indiennes sont tres peu consideree alors que la femme europeenne est tres respectee
- Les indiens sont obsedes, dans le vieux Dehli, les filles se font toucher les fesses le soir
- Les indiens sont tres croyants
- Dans certaines villes il n'existe pas de mariage d'amour, tous les mariages sont arranges
- Dans certaines ecoles ou on enseigne l'anglais a haut niveau, il est interdit de parler hindi. Si les eleves le font, ils se font frapper
- Les indiens mettent du sel sur leurs fruits
- En Inde, les invites sont vus comme des Dieux, ils sont donc recus comme des rois
- A la campagne ou dans des petites villes comme celles de la taille de Strasbourg, tout le monde a une vache pour avoir son propre lait. D'ailleurs enormement de vaches se balladent dans les rues entre les voitures et les rickshaws et ont ete la cause de nombreux accidents
- Les hindous sont souvent tres racistes envers les musulmans
- Le beurre des vaches est jaune alors que celui d'un buffalo est blanc
- En Inde, les carottes sont rouges
- Les femmes hindous mariees sont obligees de cacher leur visage derriere un voile des qu'elle croise un homme plus age que leur mari

Fiche 2

- En Malaisie, le roi change tous les 5 ans
- En Malaisie, il n'y a que 50 % de malais
- En Thailande, il serait tres mal vu de rattraper des billets qui s'envolent avec le pied. En effet, on retrouve l'image du roi sur tous les billets et marcher dessus serait comme marcher sur la tete du roi
- En Thailande, il faut absolument eviter de cogner la tete de quelqu'un car comme c'est la partie la plus procche du ciel, elle est sacree
- On peut trouver dans les bars en Thailande des milk shakes aux champignons hallucinogenes

Bibi King

Nous sommes à l'IITPD, le centre de monsieur Bato, depuis 3 jours et nous apprenons quelques mots d'Hindi pour baraguiner quelque chose avec les membres du centre. Presque tous viennent du Bihar, pourtant l'un d'entre eux semble différent. Il est très grand, il est plus blanc que ses collègues, couleur café au lait, mais comme eux il parle Hindi et porte une belle moustache. Son nom est BiBi, ou du moins c'est comme ça que les gens qui sont incapables de prononcer son nom (comme nous) l'appellent. En réalité, il vient du Népal. Il parle anglais, Hindi et Tamul en plus de sa langue natale. C'est un ami a lui qui lui a parlé d'un poste de garde de nuit a l'IITPD. Agriculteur au Nepal, ne gagnant pas un sou, il n'a pas hésité à quitter son pays natal et à parcourir quelques 1800 km pour arriver dans le Tamil Nadu. Il a laissé ses terres à son frère et ses deux enfants à sa femme. Le plus jeune a 6-7 ans et l'autre 14-15 ans, nous dit-il.
Le travail de garde de nuit était extrêmement ennuyeux. Imaginez passer toutes vos nuits à lutter contre la fatigue pour éviter un danger qui ne vient jamais. Heureusement, comme il montrait beaucoup de bonne volonté, on lui a demandé de faire plein d'autres petites choses. C'est vrai qu'il travaille bien. Il est tout le temps à droite à gauche pour réparer l'électricité, faire les courses, arranger les petits problèmes de chacun et c'est même lui le meilleur chasseur de crabe du centre. Malgré ces milliards de petites choses à faire, il nous a meme aidés à traduire quelques interviews.
Bibi fait parti de ce genre de gens qui ne ferait pas de mal à une mouche, qui sourit tout le temps et qui se plierait en quatre pour t'aider. Il ne dit jamais non et ne sait pas s'enerver. Il est un peu timide, un peu mal à l'aise, ce qui lui donne un air très attachant.
Pourtant comme beaucoup de gens qu'on a rencontrés, lorsqu'il se confie, on comprend que derrière ce sourrire et cette gentillesse, se cache un lourd vécu. Un soir, nous avons longuement discuté. C'est comme cela que nous avons appris que son frère est mort le mois dernier. Bien sûr, il n'a pas pu aller à son enterrement... Et puis sa femme souffre d'une maladie à la gorge qui leur coute beaucoup d'argent sans grande amélioration de sa santé. Elle prend beaucoup de médicaments et a dû quitter ses enfants pour venir se faire soigner près de son mari. Ses enfants se retrouvent seuls au Nepal pour s'occupper de leur grand-mère. Il ne va pas les voir pendant au moins un an. Le plus dur est certainement de le voir impuissant face à ces malheurs qui s'acharnent sur lui : "Mais quand on est pauvre, comment faire autrement ?" finit-il par nous confier...

Auroville la grosse blague

"Vous allez en Inde ? Vous n' allez pas voir Auroville ?", voilà la question qu'on n'a pas cessée de nous poser avant et lors de notre voyage en Inde. Intrigués par tant de solicitation à découvrir cette ville, nous sommes finalement allés y faire un tour.

Auroville est un petite ville de 3000 habitants, située à 10 km au nord de Pondichery. Au lieu de ville, nous ferions mieux de parler de communauté ou de bulle en Inde.

Auroville a été créée en 1968 par une française. Cette dame qui a eu des troubles psychiatriques graves a déménagé en Inde où elle se sentait plus à sa place. En Inde, elle a eu une relation très particulière avec un indien, Sri Aurobindo, d'abord militant pour l'indépendance de l'Inde, il a ensuite consacré sa vie au yoga et à la réflexion sur la conscience de soi. Ces deux personnages atypiques ont eu, dans les années 50, une énorme influence sur des millions de gens dans le Tamil Nadu. Ceci est notemment dû à la création de leur ashram, encore célèbre aujourd'hui. Un ashram est une instituion dirigée par un homme, un "Gourou" qui transmet à ses disciples sa philosophie et les aide à aller plus loin dans leur méditation et dans leur cheminement interieur. En France, nous appelerions ça des sectes, mais en Inde les ashrams sont tres répandus et n'ont pas ce côté péjoratif. Il en existe partout. Les indiens ont, de manière générale, souvent besoin d'un guide ou d'une idole, une personne à admirer, voire à adorer. Cette personne les prend par la main, un peu comme une mère. Beaucoup d'indiens sont en fait de grands enfants. Les garçons sont totalement dépendants de leur mère qui leur a toujours tout fait, et les femmes sont souvent très influençables. Le contraste est saisissant avec notre culture française, où on nous apprend à être autonome et à vivre seul. Dans certains ashrams, les adeptes finissent par avoir tellement confiance en leur maître qu'ils obéissent à tous ses souhaits. De cette manière, Sri Aurobindo et sa concubine française ont eu une influence absolument démentielle. Ils possèdent la moitié du quartier riche à Pondichery, ont construit des écoles, hôpitaux, lieux de méditation. Leur influence est telle qu'aucun magasin de la ville et même des environs n'affiche pas la photo du couple. Il paraîtrait même que les commerces rebelles subiraient des pressions. Le centre de Pondy baigne dans cette ambiance. On peut encore voir défiler des gens habillés avec un short et coiffés de turbans, l'habit officiel de l'ashram. Chaque jour, des centaines d'indiens vont se recueillir sur la tombe de leurs gourous. Bref une chose est sure, cet ashram a une position confortable autant dans la tête des gens que dans leur compte en banque.

Mais revenons à Auroville. Cette ville internationale, comprenant 50 % d'étrangers, a été reconnue par le président indien et les 124 nations présentes lors de son inauguration. Son but est, selon sa créatrice, appelée "mère", de créer une ville parfaite : "le lieu d'une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités". C'est en quelques sortes un vaste champs expérimentale d'amelioration de l'espece humaine. Chacun y travaille à la decouverte de soi et à son cheminement interieur pour se rapprocher individuellement de l'être parfait et collectivement de la communauté parfaite (pour en savoir plus http://www.auroville.info/realization/index.htm).

Pendant notre séjour sur place, nous avons logé gratuitement au jardin botanique en échange de quelques heures de travail le matin. Nous avons ainsi passé une semaine immergés dans la vie aurovilienne. Bien sûr, ce fut trop court pour tout comprendre de la philosophie locale, cependant ce fut suffisant pour se faire une première opinion.

Nous nous sommes concentrés sur l'étude de l'agriculture, mais Auroville est aussi et surtout connue comme un haut lieu pour la méditation et l'art. En ce qui concerne l'agriculture, on y a incontestablement vu des choses très intéressantes.

Lors de sa création, Auroville était un désert. Aujourd'hui, on y trouve des fermes aux terres parfois très fertiles et une forêt dense comme jamais nul part ailleurs. Nous avons rencontré Bernard, un suisse, installé à Auroville depuis 75, qui habite avec sa femme une maison assez éloignée du centre ville. Lors de son installation, il y a environ 15 ans, la maison était entourée de ce même désert de cailloux qui existait autrefois à la place d'Auroville. A force de patience et en utilisant uniquement des méthodes naturelles "en prenant comme exemple la nature", selon ses propres mots, sa maison est aujourd'hui juxtaposée à un jardin qui nous a semblé très fertile (terre noire, humide et présence de nombreux vers, insectes...) et a une forêt presque dense. Comment ont-ils fait pour passer d'un désert a un lieu riche en vie ? Grâce a un arbre ou plutôt grâce aux feuilles de l'Accacia d'Australie qui est capable de pousser sur ces sols très caillouteux. Celles-ci, soigneusement ramassées et compostées ont fini par créer du sol. Une fois la forêt développée, les accacias disparaissent peu à peu pour laisser la place aux espèces d'arbres natives. Un travail absolument incroyable qui mériterait d'être plus étudié...

Nous avons également rencontré une anglaise, Priya, qui a crée sa propre ferme, le "Buddha Garden" ou plutôt sa propre communauté. En effet, une dizaine, selon les saisons, de personnes sont présentes sur la ferme pour aider le matin de 6h30 a 9h en échange d'un petit déjeuner et d'une chambre bon marché. Ce sont soient des aurovilliens, soient des étrangers de passage. Les cultures complètement "bio" sont destinées à alimenter la cantine solaire (elle fonctionne à l'énergie solaire) d'Auroville.

Concernant notre projet et notre problématique sur le rapport à la terre des paysans, il est incontestable que ces gens ont un lien très fort à la nature. En effet, contrairement à beaucoup d'agriculteurs, ils ont fait le choix de devenir paysan, ensuite ils ont fait le choix de devenir aurovilliens. Le travail physique est là-bas considéré comme un moyen indispensable pour se découvrir et se comprendre. C'est en quelques sortes un moment de méditation, travailler directement la terre un moyen d'entrer en contact avec "l'énergie" des éléments. Ici tout est évoqué en terme d'énergie. Ca nous a d'abord surpris, mais en y réfléchissant, cette approche des choses est très intéressante et permet de mettre un mot sur ce que l'on ressent face a quelque chose. La beaute, l'harmonie ou simplement l'ambiance d'un paysage, d'un jardin ou d'un arbre peut-être saisissante, on dira alors qu'on ressent l'énergie qui s'en dégage. Bref, ces énergies relient très fortement les paysans à leur terre. Le lien philosophique ou spirituel est donc très fort, de même que le lien physique puisque presque tout est fait à la main. Enfin, le lien et la connaissance biologique est également très fort. On utilise à Auroville des techniques en agriculture biologique à la pointe des connaissances mondiales. Ce fut très surprenant pour nous, car des gens comme Bernard ou Priya n'avaient, avant leur arrivée, aucun lien avec le métier d'agriculteur.

Pourtant, malgré toutes ces choses passionnantes, nous sommes repartis avec une idée très mitigée d'Auroville. Il se dégage dans cette ville quelque chose de très étrange (peut-être une sorte d'énergie) qui met mal à l'aise, sans qu'on sache expliquer pourquoi. Ensuite, de façon plus rationnelle, la raison même d'Auroville est gênante. Ces gens veulent tous un monde meilleur et ont décidé de créer un endroit pouvant un jour servir de modèle au monde. Ils vivent donc dans de bonnes conditions pendant que le monde souffre. Selon nous, si on veut "sauver le monde", il faut le faire directement au contact des populations et pas seuls dans son coin que ce soit pour améliorer leurs conditions de vie ou réfléchir sur notre nature et notre rôle sur terre.

Ensuite, cette ville n'est pas aussi parfaite que son principe. Dans la plupart des fermes (le Buddha Garden est une exception), un blanc aurovillien gère les décisions pendant qu'une armée de locaux, piochés dans les villages alentours, font le travail physique pour des salaires ridicules. Auroville est une bulle coupée du monde quand ça l'arrange, et cependant, ouverte aux touristes et aux travailleurs sous-payés pour des raisons économiques. Enfin, sujet qui nous touche particulièrement, Auroville a acheté et achète des terres aux pauvres paysans tamuls qui voient leurs terres diminuées au rythme où les terres d'Auroville s'aggrandissent. Pourtant, Auroville compte seulement 150 hab/km² dans un pays qui en compte environ 350.
Le bilan sur notre visite à Auroville est mitigé. Ce qui est sûr, c'est que ça a été une expérience tres intéressante que nous recommandons à toute personne qui compte aller en Inde. "Tu vas en Inde ? il faut absolument que tu passes par Auroville"...