mardi 16 décembre 2008

Morena, we'll be back !

Nous venons de passer quatre jours à Morena, dans la petite maison de Ramu Parihar et sa famille (Bertrand y avait passé dix jours l'année dernière). L'accueil fut assez incroyable. Ramu et son meilleur ami, Sonu, nous ont attrapés à la gare ou plutôt nous ont sauté dessus et nous ont couverts de colliers de fleurs. Leur voisin qui était aussi présent pour voir l’arrivée des deux blancs, n'a d'ailleurs pas osé passer son collier autour du cou de Sophie (la relation envers les filles est ici très différente). Un peu complètement surpris, nous ne réalisons pas encore que ce n'est que le début d'une longue période de chaleur et de cadeaux...


Devant la gare, une voiture est là, elle nous attend depuis 1h (les trains indiens sont toujours en retard !). Sous le regard ébahi d'une centaine d'indiens, nous montons à bord du véhicule.
A notre arrivée, un chai (thé indien) est déjà prêt, mais a une différence près, c'est qu'il a été préparé avec le lait de leur vache ou plutôt de leur buffalo. Dans cette petite ville, ou du moins dans notre rue, presque toutes les maisons ont
une vache.


Le premier soir, on a établi le programme avec le papa et Ramu, puis nous sommes allés manger. Nous sommes déjà invités par un voisin, mais la famille de Ramu veut aussi nous préparer notre premier repas de bienvenue. Nous ferons donc deux repas. Ravin, le voisin et ami de Ramu, est un jeune de 24 ans très riche. Il nous emmène dans l'hôtel "chic" de Morena pour faire quelque chose d’extraordinaire pour les jeunes du coin : boire de l'alcool. Bien sûr, pour faire les 500 mètres qui nous séparent de l'hôtel, nous prenons la voiture, c'est plus classe. On commande deux petits plats pour tout le monde et un peu de vin. Le vin indien est en fait du whisky. Il est imbuvable, mais c'est tellement gentil qu'on boit quand même. Au même moment dans le restaurant, le fils du chef des policiers du coin (environ 14 ans), fête son anniversaire. Que des garçons évidemment. D'abord un, puis deux, puis tous viennent nous demander un autographe. Un peu surpris, c'est finalement avec plaisir que nous jouons nos stars. Le vrai défi étant d'arriver à écrire sans faute le nom de ces indiens. On a même eu l'honneur d'être filmés.

Le ventre absolument plein, nous sommes rentrés pour notre deuxième repas. En tant que bon français nous nous attendions a une table dressée avec toute la famille déjà assise à nous attendre... et bien non, non, non ! On nous a conviés à nous asseoir au bureau de la chambre où on nous a servi nos plats. Oui, en Inde, les invités sont considérés comme des dieux, ils mangent avant tout le monde. Même notre ami Ramu nous a regardés manger. C'est le ventre explosé que nous nous sommes finalement couchés.

Dès le lendemain, nous avons loué une voiture pour rencontrer des agriculteurs. Dans cette région, le Madhya Pradesh, les terres sont principalement accaparées par de grands propriétaires fonciers (parfois 50 acres). Il y a donc en conséquence aussi beaucoup de paysans sans-terre.

Les conditions agricoles sont sensiblement identiques au Bihar. La aussi, la foret a été presque entièrement coupée. L'érosion y est peut-être encore plus impressionnante. Quoiqu'il en soit, à conditions similaires, nous avons trouvé des résultats similaires à ceux de Bankey Bazar. Nous avons donc decidé de pousser la question sur le lien spirituel religieux à la terre. Nous voulions savoir, si ils ne respectent pas leur terre qu’ils vénèrent tant, est-ce que les dieux peuvent se fâcher.

Nous avons rencontré un paysan sans-terre de la sous-caste des Dalits, pour qui la terre, qu'il ne possède pas, relève d'une importance toute particulière, en conséquence, il nous a garanti : "Si un jour on me donne de la terre, c'est sûr, j'en prendrais vraiment soin !". Pourtant, lui aussi, nous a avoué vouloir utiliser des engrais chimiques si on lui donnait des terres.
Tous les paysans que nous avons rencontres, grands comme petits, nous ont dit qu'ils considéraient la terre comme leur mère. Ils savent également tous que les produits chimiques tuent cette terre. Lorsqu'on les met face à cette réalité et surtout face au jugement des dieux, ils nous répondent qu'ils aimeraient bien nourrir leur terre-mere en y appliquant uniquement des engrais "bio", mais eux aussi doivent manger. Alors tant pis si les dieux sont fâchés, ils disent ne pas avoir le choix.


Même nous qui sommes de fervents défenseurs de l'agriculture bio, il faut bien avouer que dans certains cas, les engrais chimiques sont absolument nécessaires pour nourrir des gens à court terme, même si à long terme des problèmes de sous production, de pollution, d'érosion... deviendront de plus en plus graves.

Par contre, cette excuse nous a semblé parfois un peu limitée quand le paysan en face de nous était un grand propriétaire. Il a largement assez de nourriture pour bien manger et ça ne dépend que de sa propre volonté que de réaliser une agriculture plus « raisonnée ». Peut-être que les dieux seront moins cléments envers lui ?
Certains nous avoueront même que les dieux sont déjà fâchés puisque certaines familles ont des maladies à cause des pesticides...


De retour à Morena, nous avons continué nos visites. D'abord le responsable gouvernemental de la gestion des pesticides, mais ce fut peine perdue. La langue de bois n'est pas réservée qu’à nos politiciens !

Nous avons également visité une usine de production de moutarde. Ce fut, cette fois-ci, bouleversant. Les deux frères qui gèrent l'entreprise sont richissimes. Ils emploient une petite armée de pauvres contraints d'accepter n'importe quel boulot (il y a plus de 10% de chômage en Inde). On a pu demander à l'un d'entre eux quelles sont ses conditions de travail. A cause des vapeurs de moutarde, tous les soirs ils ont les yeux qui les piquent et en deviennent malades (nous sommes allés a l'intérieur de la pièce où on presse les grains de moutarde et ben nous pouvons garantir que l'expression "j'ai la moutarde qui monte au nez" est trop faible, ça monte jusqu'aux yeux !) et tout ça pour 12h et 100 roupies par jour (1 euro 70 à peu près). Peut-être encore plus grave, les deux usines qui se sont installées à Morena ont détruit toutes les petites fabriques artisanales qui faisaient vivre des milliers de familles. Leur huile était d'ailleurs de bien meilleure qualité d'après Ramu. Bref, tout ça encore une fois pour enrichir seulement 5-6 personnes au dépend de milliers d'autres...

Pendant les deux derniers jours, nous avons profité pleinement de nos amis indiens. Sophie s'est encore fait de nouvelles copines qui se sont amusées à l'habiller un peu comme une poupée barbie. D'abord en saree, puis en kurta et enfin, le clou du spectacle avec la robe de mariage de la femme du frère de Ramu. Le dernier déguisement a été mis en secret. Ramu et son père ne devaient surtout pas être au courant. Peut-être que le fils aîné de la famille aurait très mal pris de voir quelqu'un d'autre porter la robe de mariage de sa femme ? Ou alors peut-être que ce genre de distraction nuit a l'honneur de la famille ? Les femmes de la maison nous ont paru très brimées. Même lorsque nous nous amusions à faire des rotis (crêpes de pain) avec elles, il ne fallait pas que les hommes soient au courant.



Autre tradition très étrange, par respect pour son mari, une femme mariée ne doit pas montrer son visage a un homme plus âgé que son mari. La belle-fille mettait donc son saree comme un voile en présence du père.
Autre chose originale : nous avons un peu honte de le dire, nous qui parlons de "retour à la terre" et qui dénonçons la rupture des villes avec la nature... mais nous avons trait notre première vache, qui est d'ailleurs un buffle.

Enfin, nous avons profité de ces moments pour essayer le sport national, le criquet. Dur dur dur...


Vraiment, merci encore Ramu, papa, maman, frère, soeur, de Ramu, nous n'oublierons pas votre accueil.


Morena, we will be back !

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